Est-ce qu’une clause interdisant d’avoir un animal en appartement est légale?
Oui, la clause d’un bail interdisant la garde d’animaux est légale. De plus, il est reconnu que ce type de clause n’est pas en soi abusive. Ajoutons aussi, qu’un locataire qui demande l’annulation de la clause en question ou la permission d’avoir un animal doit assumer le fardeau de la preuve face au propriétaire.
Cependant, il importe de distinguer 4 situations:
1- Lorsque le propriétaire demande au locataire de se débarrasser de l’animal en question
Lorsque le propriétaire demande au locataire de se départir de son animal il n’a pas à faire la preuve que l’animal cause un préjudice sérieux; la simple existence de cette clause suffit pour exiger que le locataire se départisse de l’animal. En fait, il lui suffit de démontrer la violation du bail.
2- Lorsque le propriétaire demande l’expulsion du locataire (limitation quand à l’expulsion)
Lorsque le propriétaire demande l’expulsion du locataire il doit prouver que l’animal cause un préjudice sérieux.
3- La Zoothérapie (défense possible)
La zoothérapie, soit l’utilisation d’un animal dans un but clinique ou récréatif à des fins préventives ou thérapeutiques, peut être invoquée par le locataire afin de conserver son animal. Dans cette situation la preuve devra être faite par le locataire comme quoi la présence de l’animal ne cause aucun trouble de quelque nature et que l’animal est nécessaire pour sa santé ou sa sécurité (ou celle d’un des occupants de l’appartement; un enfant par exemple). Si le locataire réussi à prouver ces éléments la clause d’interdiction pourra être jugée déraisonnable au sens de l’article 1901 du C.c.Q. et amener le juge à réduire la porter de la clause en suspendant son effet pendant la durée du traitement de zoothérapie.
4- La tolérance du propriétaire (défense possible)
Enfin, il faut souligner qu’il existe une autre possibilité; la tolérance du propriétaire. En effet, advenant que le locataire prouve que le propriétaire tolère la présence d’animal le tribunal pourra assimiler cette tolérance à une renonciation à la clause défendant les animaux et le locataire pourra ainsi garder son animal.
JURISPRUDENCE – CLAUSES INTERDISANT LES ANIMAUX
(ordre chronologique)
d’après J.L. c. Coopérative de l’Ébène, N° : 150-80-000069-042, COUR DU QUÉBEC,
30 novembre 2004.
La locataire produit un rapport médical indiquant qu’il est nécessaire pour sa santé qu’elle conserve son chien. Cependant, la condition personnelle d’un débiteur ne saurait jamais être une défense à la non-exécution d’une obligation contractuelle.
Édifice 1175 Papineau inc. c. Lanctôt, [1992] J.L. 129 (R.L.) (appel et règlement hors cour)
Les recours en résiliation du locateur ne sont pas limités aux cas d’inexécution causant un préjudice sérieux. Par ailleurs, il est difficile de considérer comme déraisonnable une obligation contractée librement.
Vézina c. Dupont, [1992] J.L. 180 (C.Q.)
Une locataire se voit refuser la permission de garder un chat dans son logement. Elle décide tout de même de se procurer un animal, de sorte que le locateur demande à la Régie d’appliquer la clause d’interdiction. Les médecins témoignent que la locataire a besoin d’un chat pour sa santé. Le régisseur ne retient pas cette version car l’opinion des médecins ne repose pas sur des bases scientifiques prouvées, aucun n’étant spécialiste en zoothérapie.
Coulombe c. Office municipal d’habitation de Pointe-Claire, [1994] J.L. 79 (R.L.) [1]
La Régie doit se limiter à regarder si le locataire respecte ses obligations.
Gestion BBD enr. c. Fournier, [1995] J.L. 62 (R.L.)
La locataire garde un chien malgré une clause d’interdiction. Sauf s’il est prouvé que la tolérance du locateur puisse être assimilée à une renonciation de la clause qui défend les animaux, le locataire ne pourra faire échec à cette clause que s’il rencontre les deux conditions suivantes:1) la présence de l’animal ne cause aucun trouble de quelque nature et 2) la présence de l’animal est nécessaire pour la santé ou la sécurité du locataire. Ici, aucune preuve n’a été faite que l’animal est nécessaire à la santé ou à la sécurité.
Demers c. Rabouin, Régie du logement, no 37-950109- 008G, 10 février 1995, Gilles Joly
En appel, la Cour du Québec entend le témoignage d’un médecin qui recourt à la zoothérapie. Dans le présent cas, la possession d’un animal empêchera la locataire de revivre l’expérience d’une dépression sérieuse et évitera le risque d’une détérioration de sa condition cardiaque. La locataire invoque les chartes, notamment le droit à la sécurité financière et à la vie. L’appel est rejeté. Rien ne prouve que la locataire ne pourrait trouver un autre logement subventionné, avec possibilité de garder son chat. Par ailleurs, la vie de la locataire n’est pas menacée.
Coulombe c. Office municipal d’habitation de Pointe-Claire, J.E. 95-1257 (C.Q.) [2]
Le fils de la locataire est atteint d’un trouble de personnalité important de type schizoïde. Selon le psychiatre, trois traitements sont utilisés: médication, visites chez le psychoéducateur et zoothérapie. Par ailleurs, les voisins se plaignent de jappements, parfois tard le soir. La Régie décide que la clause d’interdiction ne contrevient pas à la Charte puisqu’il ne s’agit pas ici d’un «handicap». D’autre part, la clause n’est pas abusive, même s’il ne faut pas exclure une décision contraire dans un cas d’espèce. La Régie s’estime liée par le jugement de la Cour du Québec dans Coulombe et ne veut pas créer de jurisprudence contradictoire.
Office municipal d’habitation de Trois-Rivières-Ouest c. Marchand [1995] R.L. 342
La clause, qui est d’application générale, n’est pas déraisonnable ou abusive à sa face même. Elle n’enfreint pas les chartes. La locataire connaissait très bien la clause, avant même de s’engager. La preuve n’a pas été faite que la vie, la santé ou la sécurité des locataires serait gravement menacée. S’ils ont besoin d’un animal, ils devront songer à déménager. Le fardeau de preuve reposait sur la locataire.
Office municipal d’habitation de Sept-Îles c. Hounsell, J.E. 95-2184 (C.Q.)
La requête en révision du jugement de la Cour du Québec est accueillie. Le locateur n’a pas prouvé l’existence d’un préjudice. De plus, la santé physique et psychologique de la locataire risque de se détériorer, ce qui constitue «a serious threat to her life». Finalement, la preuve médicale n’a pas été contredite.
Coulombe c. Dionne, [1996] R.J.Q. 1902 (C.S.) [3]
En fonction de la jurisprudence, la clause est tout à fait valide. De plus, le Tribunal n’a pas à se préoccuper de la notion de préjudice sérieux.
Boudreau c. D’Astous, [1997] J.L. 16 (R.L.)
La clause n’est pas abusive. Toutefois, est-ce que la sanction et l’exécution de l’obligation le sont? La preuve médicale est ici insuffisante. L’animal est gardé pour réconfort et meubler la solitude. Il ne s’agit pas d’un cas où l’animal sert de traitement curatif ou préventif. Le locateur qui demande l’exécution en nature n’a pas à prouver un préjudice sérieux ni même quelque préjudice que ce soit.
Vallée c. Office municipal d’habitation de Daveluyville, J.E. 97-1268 (C.Q.)
La clause est légale. Les tribunaux ont décidé qu’un «remède» ne peut être considéré comme permettant la présence d’un chien.
Office municipal d’habitation de Charlesbourg c. Labrecque, [1998] J.L. 64 (R.L.)
Une locataire, handicapée physique, acquiert un chat. Selon son médecin, l’animal apporte une aide psychologique et atténue un sentiment d’isolement. En raison de la clause prohibant les animaux, la Régie ordonne à la locataire de se départir de son chat. La Cour du Québec accueille l’appel et déclare la clause abusive et non applicable à la locataire, vu l’absence totale de préjudice et la preuve des bienfaits apportés par l’animal. La Cour supérieure rejette la requête en révision judiciaire du locateur (J.E. 2001-1304 (C.S.); requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2001-09-13), 500-09-011174-018).
Fram c. Office municipal d’habitation de Pointe-Claire, REJB 1998-06451 (C.Q.)
La clause est légale et il est ordonné au locataire de se départir de son chat.
Office municipal d’habitation de Fortier c. Paquet, [1998] J.L. 256 (R.L.)
L’appel du jugement de la Cour supérieure est accueilli, de sorte que la décision de la Régie est rétablie. La décision de la Régie et le jugement de la Cour du Québec ne peuvent être qualifiés de manifestement déraisonnables.
Pointe-Claire c. Coulombe, [1999] R.J.Q. 2348 (C.A.) (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2000-10- 12), 27536) [4]
La locataire est dépressive, souffre d’un cancer et a un lourd passé, ayant subi de nombreuses pertes affectives. Son médecin lui a recommandé d’avoir un animal domestique et insiste sur l’importance de la zoothérapie pour les personnes vivant seules, ce qui permet de développer des liens affectifs. Selon le témoignage du médecin, l’animal permet de combattre la détresse psychologique et la solitude en plus de donner un sentiment de sécurité. Par ailleurs, la locataire s’occupe bien de son chien. Dans les circonstances, le régisseur conclut que la clause est abusive vu le préjudice sérieux qui serait causé à la locataire, préjudice disproportionné à celui du locateur.
Office municipal d’habitation du Cap-de-la-Madeleine c. Blais, Régie du logement, Bureau de Trois-Rivières, no 15-981014- 002G, 29 septembre 1999, Me Jacques Cloutier (permission d’appeler accordée [400-02- 003677-992]; désistement de la locataire le 12 avril 2000)
Le fils du locataire a de nombreux problèmes physiques. De plus, il est suivi en pédopsychiatrie pour des problèmes psychologiques. Sa pédopsychiatre quitte pour un congé maternité. La mère, inquiète des conséquences de cette absence, achète un chien contrairement à une clause, ce qui amène le locateur à exercer un recours devant la Régie. La pédopsychiatre dépose une lettre confirmant les bienfaits consécutifs à l’adoption du chien. Qualifiant la situation de zoothérapie, et constatant l’absence de preuve de préjudice, le régisseur permet au locataire de garder le chien. La Cour du Québec accueille l’appel: 1) Le locateur qui demande l’exécution en nature n’a pas à prouver de préjudice. 2) Même si dans certains cas exceptionnels le locataire peut conserver un animal, encore faut-il une preuve médicale solide. 3) Ici, les commentaires du médecin ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation exceptionnelle. 4) S’il suffisait d’obtenir a posteriori l’avis d’un médecin, ce genre de clause n’aurait plus aucune utilité.
Office municipal d’habitation de Drummondville c. Boisvert, [2000] J.L. 119 (C.Q.)
Un thérapeute conseille à la locataire de s’acheter un chien qui est devenu le centre de sa vie. Selon la Cour du Québec, il serait abusif de la priver de son animal. Le juge est convaincu que le régisseur aurait déclaré la clause d’exclusion abusive si une telle demande avait été formulée, compte tenu de l’état de santé de la locataire. La demande de permission d’appeler est en conséquence rejetée.
Terrasses Greenfield Canada inc. c. Hughes, [2001] J.Q. (Quicklaw) no 7656 (C.Q.)